Au Japon, aucune figure n'est plus symbolique que celles des Samouraïs, ces guerriers héroïques qui vivaient par le code du Bushidō, fondé sur la loyauté, la justice et l'honneur. La
tradition guerrière au japon est aussi vieille que le pays lui-même, mais le véritable Samouraï émergea durant la période Heian du milieu du 12ème siècle.
Le préfixe Bu signifie, en japonais, l'ensemble des techniques martiales. Shi signifie guerrier, et le suffixe Dō désigne la voie, celle qui mène à la maîtrise de soi par le travail conjoint du
corps et de l'esprit. Ce code d'honneur de la caste militaire japonaise a donné naissance aux écoles de karaté et autres arts martiaux orientaux, tous régis par des codes d'honneur et la maîtrise
du corps esprit par un entraînement régulier.
L'esprit du Budo constitue une véritable éthique inspirée de la philosophie religieuse du Shintoïsme, du Confucianisme chinois et du Bouddhisme Zen. L'esprit du Budo, outre les qualités
guerrières qu'il exigeait, requérait de ses adhérents qu'ils fassent preuve d'une recherche de la perfection. Le Bouddhisme Zen influencera beaucoup le Bushidō. Ce dernier demande avant toute
chose une certain sang-froid devant la mort, parce que faire face volontairement à la mort, c'est apprendre à conquérir ses peurs. Selon les principes zen, la peur ne peut réellement être
conquise que si la notion du "moi" et tout ce qui s'y rattache est abolie.
La première mention du terme Bushidō s'est produite dans le Kōyō Gunkan, écrit aux alentours de 1616. L'apparition du Bushidō est liée à celle du Moyen âge japonais, et des premiers Shoguns
au XIIe siècle ; son contenu précis a changé historiquement en même temps qu'évoluaient les normes des Samouraïs . Zen et Bushidō s'implantèrent très profondément parmi ces derniers, et
pénétrèrent la culture et les valeurs japonaises. Dans cette perspective et dans la poursuite d'un but, l'entraînement mental devint plus important que le physique. Son idéal était l'esprit
martial, y compris des qualifications sportives et militaires aussi bien que l' affrontement sans crainte de l'ennemi dans la bataille. Comme le Confucianisme, le Bushidō exigeait le dévouement
filial ; mais, provenant du système féodal, il a également soutenu que l'honneur suprême était de servir son seigneur jusqu'à la mort. Si ces engagements étaient en conflits, le Samouraï était
lié par fidélité à son seigneur en dépit de la douleur qu'il pourrait causer à ses parents.
La régularisation finale de la pensée du Bushidō s'est produite pendant la période de Tokugawa au 17ème siècle, quand Yamaga Sokō a comparé le Samouraï avec "l'homme supérieur" confucéen,
et a enseigné que sa fonction essentielle était d'être un exemple vivant pour les classes inférieures. Sans négliger la vertu confucéenne de base, la bienveillance, Soko a mis l'emphase sur la
deuxième vertu, la droiture, qu'il a interprété en tant que l'engagement. Ce code d'honneur strict, affectant des sujets de vie et de mort, a exigé un choix conscient et ainsi a
stimulé l'initiative individuelle tout en pourtant réaffirmant les engagements de la fidélité et du dévouement filial. L'obéissance à l'autorité a été souligné, mais le devoir est venu d'abord
même si il nécessitait la violation de la loi décrétée. Dans un tel exemple, le vrai Samouraï prouverait sa sincérité et expierait son crime contre le gouvernement en s'enlevant sa propre
vie.
La caste des Samouraïs qui n'était alors qu'une caste militaire peu lettrée, s'est retrouvée désœuvrée suite à la paix imposée après la prise de pouvoir de Tokugawa. Le code d'honneur défini par
Yamaga, un rōnin de l' ère Edo, a permis de redéfinir leur rôle et de leur trouver une nouvelle raison d'être. Avec cette pacification , la fonction combattante des guerriers diminua et ceux-ci
devinrent des fonctionnaires. Ils laissèrent côté guerrier pour les cérémonies, et commencèrent à s'intéresser aux arts, surtout l'écriture. À partir de cette période Edo, les termes Bushi et
Samouraï ne furent plus tout a fait synonymes, le Bushi se distinguant du Samouraï par son appartenance à la classe supérieure des guerriers.
Voici donc les sept grandes vertus confucéennes associées au Bushidō. La vertu est habituellement définie comme une disposition de la volonté, acquise par répétition des actes, et qui habilite
l'homme à agir bien. Même si elles sont numérotées, il n'y a pas d'hiérarchie entre elles. En théorie, les sept vertus sont équivalentes, mais dans les faits, cela était rarement le cas.
Pour certains clans, on parlait beaucoup du sens du devoir, de la loyauté. Un grand nombre de Samouraïs ne faisaient preuve de bienveillance qu'envers les membres de leur caste ou même uniquement
envers des samurai en détresse de leur clan. Ceci était probablement dû au fait que chaque clan ou famille tendaient à une vision shintoïste, bouddhique ou confucianiste.
1. JUSTICE : GI
Parfois aussi nommée droiture, rectitude ou rigueur; c'est le précepte qui demande de suivre les règles morales que l'on considère comme justes, sans jamais s'en écarter. Le terme Gishi est
appliqué à un individu démontrant un grand accomplissement de soi dans une discipline. Un guerrier célèbre la définit ainsi : La rectitude est le pouvoir de prendre, sans faiblir, une décision
dictée par la raison. Mourir quand il est bien de mourir, frapper quand il est bien de frapper. La droiture passe par le respect de soi-même, et engendre le respect à l'égard des autres et de la
part des autres. Être fidèle à ses engagements, à sa parole, et à l'idéal que l'on s'est choisi est soutenu par le courage.
2. COURAGE : YU
Le jeune Samouraï était continuellement endurci et endoctriné sur la notion de courage. Pendant leur éducation, on les contraignait parfois les jeunes apprentis Samouraïs à se rendre seuls, à
minuit, sur les lieux d'un supplice, et à en rapporter la tête d'un des condamnés pour éprouver leur courage. Le courage n'est pas donc l'absence de la peur, mais d'affronter les épreuves malgré
nos peurs et nos craintes. Un Samouraï a dit: C'est le propre du vrai courage de vivre quand il faut vivre, et de mourir seulement quand il faut mourir. Le courage nous pousse aussi à faire
respecter ce qui nous paraît juste. Confucius définit ainsi le courage : Sachant ce qui est juste, ne pas le faire démontre l'absence de courage. Donc, le courage est de faire ce qui est
juste.
3. BIENVEILLANCE : JIN
La bienveillance, ou compassion, est une vertu de base selon le confucianisme Chinois. Elle nous incite à être attentif à notre prochain, à être respectueux de la vie. Voici ce que Mencius disait
au sujet de la bienveillance: La bienveillance emporte avec elle tout ce qui tente de lui faire obstacle, aussi facilement que l'eau domine le feu.
Le Samouraï doit prêter assistance à ceux qui en ont besoin. S'il a un katana que d'autres hommes n'ont pas le droit d'avoir, c'est pour s'en servir à leur place et pas pour s'en servir contre
eux. Nous retrouvons ici la clémence du guerrier japonais, Bushi No Nasake, qui pouvait certes utiliser son sabre pour régler tout problème lui étant présenté, mais qui possédait également la
possibilité de calmer les esprits sans ôter la vie. Certains disciples du Bushido pouvaient atteindre un haut degré de douceur pacifique. Tel Ogawa : " Quand les autres disent du mal de toi, ne
rends pas le mal pour le mal, mais réfléchis que tu n'a pas été non plus toujours fidèle dans l'accomplissement de tes devoirs ". Conçue comme un trait féminin, la bienveillance vient équilibrer
la droiture , un trait perçu comme étant masculin.
4. RESPECT : REI
Le respect, n'est que l'expression de l'intérêt sincère et authentique porté à autrui, quelle que soit sa position sociale, au travers de gestes et d'attitudes pleines de respect et de
sollicitude. Il faut éviter la critique et le dénigrement des autres, car cette néfaste habitude a pour but inconscient de se louanger soi-même. Rabaisser autrui est un moyen facile de se
grandir, relativement à peu de frais. De telles pratiques sont indignes d'un Samouraï. Peu importe la position sociale, les qualités et les faiblesses des autres, le Samouraï doit traiter les
personnes et les choses avec respect.
Le respect nous ramène au principe du Ying et du Yang; l'un ne peut exister sans l'autre. Sans modestie, aucun respect n'est possible, sans respect aucune confiance ne peut naître. Sans
confiance aucun enseignement ne peut être donné, ni reçu. Cette relation humaine élevée est encore vivante en Orient. Pour respecter les autres, il faut pouvoir résister à ses propres émotions
d'impatience, de colère, de désir, de peur, etc. La force d'âme, combinée au respect d'autrui et à la politesse, qui ne veut pas blesser ou gêner les autres, aboutit alors à une grande
quiétude.
5. SINCÉRITÉ : MAKOTO
La sincérité est primordiale dans l'engagement martial : Le Bushidō tient le mensonge ou l'ambiguïté pour une lâcheté. Bien qu'il y ait divers serments et rites accompagnés de promesses dans la
vie d'un Samouraï, on considère dans la vie courante que sa parole vaut acte. Un Samouraï n'a pas besoin de prêter serment lorsqu'il déclare qu'il va faire quelque chose. Le simple fait qu'il le
dise l'engage, et le fait de mettre en doute cet engagement revient à insulter le Samouraï. Bushi no ishigon, parole de Samouraï, est une garantie suffisante. Une promesse ainsi faite est
tenue, sans preuve nécessaire de cet engagement. Il n'y a pas de différence entre vérité et réalité. Confucius va plus loin : La sincérité est la fin et le commencement de toutes choses, sans la
sincérité, rien n'existerait. L'idéogramme chinois qui signifie sincérité est une combinaison des mots Parole et Perfection.
6. HONNEUR : MEIYO
L'idéogramme de Meiyo contient deux kanji. Mei signifie nom et Yo veut dire réputation, honneur. La plupart des Samouraïs vouaient leur vie au Bushidō, qui exigeait loyauté et honneur jusqu'à la
mort. Si un Samouraï échouait à garder son honneur il pouvait le regagner en commettant le seppuku, un suicide rituel, que l'on connaît mieux en occident sous le terme de hara-kiri ou action de
s'ouvrir le ventre. Cependant, il faut souligner la différence entre seppuku et hara-kiri. Le seppuku permettait à un guerrier vaincu de se donner la mort et de pouvoir ainsi mourir en gardant
son honneur intact, le vainqueur abrégeait ensuite ses souffrances. Le hara-kiri était une façon de se donner la mort où la personne "perdait" tout honneur suite à ce geste. Dans le Japon féodal,
on parlera de hara-kiri pour une personne se donnant la mort suite à une grande humiliation par exemple, et de seppuku pour une personne assumant une défaite en se donnant la mort. Cette nuance
est d'une grande importance dans la compréhension du Bushidō. Sous sa forme la plus pure, le Bushidō exige de ses pratiquants qu'ils jugent efficacement le moment présent par rapport à leur
propre mort, comme s'ils n'étaient déjà plus de ce monde.
Miyamoto Musashi a rédigé un livre intitulé Gorin no sho, Le livre des cinq roues. Une compilation des idées de Musashi figurent dans le Doku-ko-do, principes pour agir seul. Dans un des articles
il écrit: "mi o sutetemo myori wa sutezu"(meme si tu dois te sacrifier, tu ne dois pas oublier ton honneur). En clair, cela signifie que si vous oubliez votre honneur, vous allez a l'encontre du
dō, les principes moraux, et du gi. Vous devez donc défendre votre honneur même au prix de votre vie. On laissait les apprentis Samouraïs de plus en plus libre d'agir selon leur propre
jugement, avec la certitude que la moindre erreur ne serait pas pardonnée, qu'il se repentirait toute sa vie d'une offense grave et qu'un reproche mérité était plus à redouter que la mort même.
Toute infraction à l'honneur d'un Samouraï était ressentie et appelée ren-shi-shin, le sens de la honte. La désobéissance au code ou à un supérieur produisait un sentiment de culpabilité et
de honte. Le sens du déshonneur était ainsi le stimulant suprême pour corriger sa conduite. Un Samouraï, dans sa jeunesse, refusa de laisser entamer sa réputation par une légère compromission:
parce que, disait-il, le déshonneur est pareil à une cicatrice sur un arbre que le temps, au lieu d'effacer, agrandit tous les jours .
Mencius disait: Il est dans la nature de tout homme d'aimer l'honneur, mais ce qui est vraiment honorable réside en chacun et non ailleurs. L'honneur que les hommes confèrent n'est pas le
véritable honneur. L'honneur est attaché à la manière d'être, à la fidélité, à la parole, à un ami, un Maître, un Idéal, ou à la vérité. C'est pourquoi le devoir de loyauté est un autre pilier du
Bushidō.
7. LOYAUTÉ : CHŪGI
Il n'y a pas d'honneur sans loyauté à l'égard de certains idéaux, et de ceux qui les partagent. Le devoir de loyauté n’est pas uniquement une attitude envers les autres, mais aussi envers des
principes et des valeurs. Elle symbolise la nécessité de tenir ses promesses et remplir ses engagements, ainsi que la sincérité dans ses paroles et dans ses actes. Le Samouraï doit servir et ne
saurait se soustraire à ce qui définit jusqu'au nom de sa caste. Au Japon la première place revenait à l'Empereur qui incarnait pour les japonais, le Yamato, l'âme même du pays. Cependant, même
l'Empereur devait s'incliner devant la volonté du Ciel et un Samouraï ne saurait faire moins que ceux qui sont au-dessus de lui. D'ailleurs, le terme Samouraï vient du verbe saburau qui
signifie servir. Le Samouraï sert son seigneur et aussi son clan, sa loyauté doit être sans faille. L'intérêt du clan, de la famille passe en premier, passe avant l'individu.
De nos jours, ce lien a évolué, tout au moins dans certaines civilisations occidentales, mais il n'a pas pour autant disparu. Bien que, dans certains pays d'Occident, on prête encore maintenant
serment au souverain, Roi ou Empereur, qui incarne la patrie. Aujourd'hui, il convient de faire preuve de fidélité et de loyauté, par exemple à l'égard de sa patrie, y compris, pour la défendre,
l'éventuel sacrifice de la vie. Celui qui se dérobe à ce devoir est considéré comme un lâche ou un traître.
Le Hagakure. Le Hagakure est une compilation des pensées et enseignements de Jōchō Yamamoto, ancien Samouraï vassal de Mitsushige Nabeshima, qui a été écrite entre 1709 et 1716. Ce livre
qui prêche le Bushidō a été gardé secret pendant plus de 150 années par le clan des Nabeshima. Formé de 11 tomes, le Hagakure caractérise le Bushidō comme un code qui régit la vie du Samouraï ,
honneur, servitude, loyauté, humilité et surtout l'apprentissage et le perfectionnement dans " l'art de la guerre, de la vie et de la mort".
Ce livre est très populaire auprès des occidentaux qui s’intéressent à la culture des Samouraïs. Cependant, il fut discrédité au Japon après la Seconde Guerre mondiale, accusé d’avoir mené
la nation sur la voie du militarisme et du culte des dirigeants et, en fin de compte, à l’échec.
L'esprit du Hagakure peut être résumé dans les quatre pensées suivantes:
1. N'oubliez jamais le bushido;2. Soyez toujours prêt a servir votre maître;3. Respectez vos devoirs envers vos parents;4. Soyez miséricordieux à tout moment et assistez les autres.